Dernière mise à jour : 03 novembre 2022
Les gouvernements ne souhaitent pas que la France devienne un pays « accueillant » pour éviter qu’un trop grand nombre d’étrangers ne soient tentés de venir demander une protection chez nous.
C’est sur cette base que l’Union européenne, sous la pression de ses Etats membres, a mis en avant la question de la lutte contre les mouvements secondaires, c’est à dire la possibilité de refuser une demande quand une précédente demande a été refusée dans un autre État européen… Afin d’éviter ça, la plupart des États européens sont entrés dans une course indigne à celui qui « accueillera le plus mal », à celui qui sera le plus intransigeant en termes d’octroi d’une protection.
Il serait de loin préférable d’harmoniser les politiques migratoires au sein de l’Union européenne, ce que les Etats ont toujours largement refusé sauf pour la fermeture et le contrôle des frontières extérieures de l’espace européen. Le soi-disant nouveau « pacte européen sur l’asile et l’immigration » n’en est qu’un triste illustration puisqu’il aggravera les contrôles pour l’entrée dans l’Union européenne en ne laissant quasiment plus de possibilité de demander l’asile après le passage des frontières.
Dans son discours aux Préfets, M. Macron a regretté que nous ayons, pour les étrangers, « un système d’aides monétaires, sociales, médicales, beaucoup plus généreuses que tous nos voisins ». C’est faux et cela l’est de plus en plus chaque fois qu’une nouvelle loi en ce domaine est adoptée.
Gérald Darmanin, pendant la campagne présidentielle 2022, a déclaré que : « Sur l’immigration, nous faisons mieux que nos voisins. Quand l’Allemagne accepte 50% des demandes d’asile, nous en acceptons 30%. »
Avons-nous bien conscience de ce que ces propos disent de notre modèle sociétal ? Est-il juste et légitime, et même une source de fierté, que d’être moins généreux que nos voisins envers les étrangers, et de moins les protéger quand ils sont menacés dans leurs pays ?
Lors des campagnes présidentielles et législatives, les partis xénophobes qui se disent seulement opposés à l’accueil des étrangers souhaitaient même aller encore plus loin, en avançant qu’il s’agissait d’un « choix de civilisation ».
La civilisation, par définition, est l’ensemble des caractères communs aux sociétés humaines qui tendent à s’éloigner de la barbarie, de nos instincts primaires. Notre pays est riche d’un large brassage de populations qui ont commencé avant même l’arrivée des Romains, puis des Francs
Le rejet de l’autre, de celui qui est différent, c’est l’inverse mais c’est aussi l’enfermement sur soi et les sociétés qui s’enferment s’autodétruisent le plus souvent. Les programmes des partis politiques qui prônent une plus grande fermeture des frontières n’opèrent donc pas un choix civilisationnel, mais celui d’un RECUL de la civilisation.
Pour autant, le projet d’évolution de la loi asile-immigration, porté par le gouvernement actuel, ou le projet de « Pacte européen sur l’asile et l’immigration » nous mènent , eux aussi, à un recul de nos valeurs.
Nous devons prendre conscience que les politiques menées, à l’échelle tant nationale qu’ européenne, n’ont fondamentalement qu’un seul objectif, inavoué mais bien réel : empêcher au maximum les citoyens des pays pauvres de venir dans les pays riches en tentant de nous faire croire qu’ils sont une menace et oubliant que la mobilité est une réalité qui touche bien plus les pays riches que les pays pauvres.
S’éloigner de la barbarie, c’est tendre vers la défense des valeurs fondamentales comme l’éthique de réciprocité, règle d’or que l’on peut retrouver dans presque toutes les religions et cultures, qui trouve son pendant laïc dans l’article premier de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ».
Bien sûr, ce discours semble difficilement audible, d’autant plus en cette période complexe où nos sociétés sont fragilisées, mais est-ce vraiment antinomique avec la lutte contre les inégalités mondiales ?
Il faut AUSSI se mobiliser et se battre contre les inégalités nationales, mais est-ce que le combat contre les inégalités au sein du pays est légitime s’il occulte celles à l’échelle du monde ?
S’engager dans une politique digne d’accueil des étrangers, basée sur l’égalité des droits et la liberté de circulation, ce n’est pas une idéologie naïve et déconnectée des réalités. Bien au contraire. C’est voir les réalités tels qu’elles sont et juste une prise de conscience que nous ne pouvons décemment agir autrement, si nous souhaitons continuer à nous considérer comme des États « civilisés ».
Il s’agit donc bien d’un choix de civilisation.
Il est temps de déconstruire nos politiques d’immigration et revenir à des principes fondamentaux dignes des valeurs de la démocratie dont les Européens aiment tant se réclamer .