Dernière mise à jour : 3 novembre 2022

« Grand remplacement », « submersion migratoire »… sont les expressions utilisées par les partis politiques opposés à l’accueil des étrangers. Pour tenter de dépasser ces expressions et fantasmes, il est important d’objectiver la situation par des faits chiffrées et sourcés, même s’il n’est pas possible d’estimer précisément le nombre d’entrées régulières et irrégulières en France, tant les modes de calcul sont nombreux.

Nombre d’entrées annuelles : une mesure imprécise et imparfaite
Une base possible de est le nombre de titres de séjour délivrées chaque année, fournie par le ministère de l’intérieur. Cette base est imparfaite, un nombre non négligeable des personnes qui se voient délivrer un titre de séjour repartent quelques mois après et ne sont donc pas comptabilisées comme des immigrés au sens strict du terme, c’est-à-dire des résidents de plus d’un an dans le pays d’accueil. Ceci explique les différences avec les statistiques d’autres organismes comme l’INSEE ou EUROSTAT, détaillées plus loin.

Il faut aussi y ajouter une estimation approximative du nombre d’entrées dites « irrégulières », même si cette valeur est par définition impossible à quantifier précisément.
Le graphique ci-dessous montre, par catégorie, la moyenne des premiers titres de séjour délivrées sur ces 5 dernières années.

Cette estimation est contestée par certaines personnalités politiques à droite, qui y ajoutent les mineurs isolés étrangers, et les demandeurs d’asile déboutés, pour arriver à une estimation de 400 000 entrées annuelles.

L’ajout des mineurs isolés étrangers serait justifié par le fait que ces derniers n’ont pas besoin d’avoir un titre de séjour pour être pris en charge par les Conseils départementaux. Cet argument n’est pas valable : les jeunes qui sont pris en charge à ce titre, quand ils arrivent à la majorité, ont l’obligation d’obtenir un titre de séjour, donc d’en demander la délivrance. Ils sont donc soit comptabilisés dans les titres de séjour délivrés, soit comptabilisés dans les « sans-papiers ».

Certains ajoutent les demandeurs d’asile déboutés chaque année, ce qui n’est pas non plus objectif du fait qu’un certain nombre d’entre eux bifurquent vers une demande de titre de séjour, et sont donc déjà comptabilisés.

Il faut aussi prendre en compte qu’un tiers des étudiants étrangers (soit 30 000) sont repartis avant un an.

Ceci démontre la difficulté d’avancer un nombre précis des entrées annuelles d’étrangers extra-européens, mais bien seulement d’en avoir une fourchette, qui oscillerait entre 300 et 355 000, dont la principale variable est le nombre d’étrangers sans titres de séjour.

C’est généralement l’estimation de la fourchette haute, et parfois même largement plus, qui est utilisé par ceux qui considèrent que nous accueillons trop d’étrangers.

Le solde migratoire : une mesure plus objective mais imprécise

Se baser uniquement sur le nombre supposé d’entrées annuelles présente plusieurs biais. Le principal étant que si l’objectif est d’estimer l’augmentation du nombre d’étrangers présents en France, il faut évidemment retrancher les départs, afin d’obtenir le « solde migratoire ». Un point de vigilance est cependant nécessaire : le « solde migratoire global » représente la différence entre le nombre de personnes qui immigrent et le nombre de personnes qui émigrent, en incluant les personnes de nationalité française, les ressortissants de pays de l’UE (qui relèvent de la libre circulation de l’espace Schengen) et des personnes de nationalité d’un pays hors Union européenne (UE). C’est cette dernière catégorie qui permet d’avoir une idée objective du solde migratoire relevant de la politique d’immigration et de l’asile.

LE SOLDE MIGRATOIRE SELON L’INSTITUT NATIONAL DE LA STATISTIQUE ET DES ÉTUDES ÉCONOMIQUES (INSEE)

L’INSEE dispose de statistiques sur l’immigration, y compris sur les estimations du solde migratoire. Depuis 2004, l’institut ne procède plus à un recensement général de la population, mais à un recensement réduit, par échantillon sur les communes de plus de 10 000 habitants. Leurs données sur le solde migratoire annuel est donc lui aussi une estimation, et porte sur tous les étrangers, pas seulement les personnes venant d’un pays tiers.

Leur estimation du solde migratoire annuel global oscille, entre 2016 et 2020, entre 169 et 222 000, soit une moyenne de 205 000.

LE SOLDE MIGRATOIRE SELON EUROSTAT

Eurostat est la direction générale de la Commission européenne chargée de l’information statistique à l’échelle communautaire. Eux aussi fournissent des statistiques sur les entrées et sorties des étrangers originaires de pays tiers, qui donnent un solde migratoire moyen d’environ 145 500 personnes.

Sachant que le flux migratoire de personnes originaires d’un pays de l’UE est estimé à 30%, le recoupement semble confirmer l’estimation de l’INSEE.

Le solde migratoire annuel serait donc bien d’environ 145 000 personnes, auxquelles il faut ajouter la variable des entrées et sorties irrégulières.

En partant sur l’estimation constatée d’un taux de 25% de sorties, il faudrait donc ajouter entre 35 et 75 000 personnes.

Pour finir, l’estimation du solde migratoire annuel oscille donc entre 180 et 220 000 personnes, ce qui représente 0,3% de la population française.

Est-il légitime de présenter le nombre d’entrées d’étrangers comme un problème, vue la faiblesse de l’impact sur la population globale ?