Dernière mise à jour : 6 décembre 2022

La surreprésentation supposée des étrangers dans la délinquance est régulièrement utilisée par ceux qui remettent en cause l’accueil des étrangers. Cette sur-délinquance serait prouvée par les statistiques, même si les chiffres avancés varient énormément selon celui qui les produit. Cet argument présente plusieurs biais importants démontrant qu’il s’agit plus d’un parti-pris idéologique que d’une réflexion pragmatique.

Les exilés d’hier étaient-ils épargnés par ces accusations ? Les étrangers sont-ils vraiment surreprésentés dans la délinquance ? Jusqu’à quel point et quelles en sont les raisons ? Est-il pertinent de justifier un durcissement de l’accueil sur cette théorie ?

Cet article tente de répondre à toutes ces questions.

Historique du préjugé

Tout d’abord, coupons court au préjugé prétendant que les précédentes vagues d’immigration étaient « mieux intégrées et culturellement plus proches de nous ».

C’est ce que prétendent beaucoup de descendants d’immigrés, y compris des hommes politiques qui soutiennent aujourd’hui une politique de restriction de l’immigration. Les archives montrent pourtant que de tous temps l’étranger a été la cible de préjugés comme leur supposée sur-délinquance, y compris en s’appuyant sur des chiffres, notamment quand il s’agissait de faire évoluer la loi les concernant.

En 1886, Alexandre Bérard, alors substitut du procureur de Lyon, produit un rapport intitulé « L’invasion des étrangers et la taxe de séjour », dans l’objectif de proposer une évolution législative imposant une taxe pour les étrangers désirant travailler en France. Il écrit, concernant les immigrés : « Combien se jettent sur la terre de France pour y vivre dans l’oisiveté et y grossir l’armée du crime ? (…) Aussi, au point de vue criminel, tout aussi bien qu’au point de vue économique, l’invasion étrangère constitue-t-elle un danger permanent pour notre pays. En effet, si l’on consulte les statistiques criminelles, on s’aperçoit que les étrangers y figurent pour un chiffre très élevé, proportionnellement à leur nombre. Alors qu’ils ne forment qu’un trente­septième de notre population totale, on peut compter qu’ils figurent pour un dixième environ sur le nombre de nos condamnés pour crimes et délits de droit commun. »

Ces mots sont suivis d’un « tableau des individus nés à l’étranger, arrêtés dans le ressort du tribunal de la Seine, durant les années 1879, 1880, 1882 et 1883, ainsi que leur pays d’origine. » (1)

Comme le montre l’image ci-dessous, les étrangers visés sont… les Belges, les Italiens et les Allemands.

Il en conclut : « Ainsi, tant au point de vue de la sécurité publique qu’au point de vue économique et commercial, l’invasion des étrangers, livrée à elle-même, sans garantie aucune, constitue un danger national et il est du devoir du législateur de se préoccuper de cette situation qui devient si menaçante qu’il faudrait être aveugle pour ne la point voir.»

Dans l’entre-deux guerre, les nationalités incriminées évoluent, les nord-africains commençant à être ciblés.

L’historien Ralph Schor dédie un chapitre à ce sujet dans sa thèse « L’opinion française et les étrangers, 1919-1939 ». Il écrit : « Les statistiques enseignaient que les étrangers les plus dangereux étaient ceux qui venaient des pays les plus éloignés ou les plus méridionaux. Georges Mauco calcula qu’au cours des années vingt, la criminalité des Africains s’était révélée quinze fois supérieure à celle des Français ; pour les Polonais, il fallait multiplier par quatre, pour les Italiens et les Portugais par trois, pour les Espagnols par deux ; » (2)

 

La presse d’extrême-droite de l’époque, comme « L’Action Française », dirigé par Charles Maurras, mais aussi « L’ami du peuple » ou « L’œuvre », journaux xénophobes de l’époque, véhiculaient ces mêmes accusations, à l’instar de la presse d’extrême-droite d’aujourd’hui (Valeurs Actuelles, Causeur, etc.), mais aussi de la droite plus classique, comme le Figaro et d’autres.

En 1984, Alain Griotteray, sympathisant de l’Action Française, co-fondateur de l’UDF et actionnaire fondateur de « Minute », publie un livre intitulé « Les immigrés, le choc »(3), dans lequel il écrit : « Le taux brut de la délinquance imputable aux étrangers est en effet très supérieur à celui des nationaux : il s’établissait à 24,9 pour mille pour les étrangers en 1980 (en augmentation de 30% par rapport à 1976) et à 10,8 pour mille pour les français toujours en 1980 (en progression de 31% par rapport à 1976).»

Contrairement à ce que prétendent régulièrement les hommes politiques issus de l’immigration, leurs parents ou grands-parents étaient déjà victimes hier des mêmes accusations qu’ils portent aujourd’hui, afin de justifier d’une restriction de l’accueil des étrangers.

Force est de constater que l’utilisation des statistiques, comme garantes de vérités qui ne seraient pas contestables, n’est absolument pas nouvelle. Il est aussi significatif de constater que toutes ces « vérités incontestables » sont paradoxalement très variables, démontrant ainsi que les données statistiques n’ont le plus souvent qu’un vernis d’objectivité.

Les biais de la mesure de la délinquance

Les archives le démontrent, la seule étude des statistiques de la délinquance ne sont pas suffisants.

Dans les années 30 un sociologue suédois, Thorsten Sellin, commence à aborder la criminologie sous l’angle socio-culturel, mais il a fallu attendre les années 80, en France, pour que se développent des études sociologiques indispensables à une compréhension plus globale des mécanismes de la délinquance et une remise en question de l’approche purement statistique.

A partir de la fin des années 90, Laurent Muchielli, directeur de recherche au CNRS, publie plusieurs articles sur la sociologie de la délinquance. « La plupart des citoyens ont des opinions souvent arrêtées sur les divers problèmes de la vie sociale, et il ne se passe pas un jour sans qu’une émission de télévision ou un discours politique ne les sollicitent en ce sens. (…) Une première pseudo-évidence et l’un des obstacles au raisonnement sociologique les plus importants consiste à croire que s’il existe des problèmes de délinquance, c’est parce que certaines personnes sont potentiellement délinquantes. Ce préjugé, qui se traduit notamment dans la dichotomie opposant les « délinquants » aux « honnêtes citoyens », découle du vieux manichéisme opposant le Bien et le Mal ».(4)

4 ans plus tard, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, déclare à propos du projet de loi sur l’immigration (5) :

Ces 2 citations illustrent le décalage persistant entre la nécessaire nuance sociologique et la pauvreté du raisonnement politique qui utilise les données statistiques de manière binaire pour justifier des mesures politiques stigmatisant les étrangers.

Le premier biais est qu’il n’existe pas de mesure parfaite de la délinquance et il est possible, selon la source ou le mode de calcul, d’orienter significativement les résultats, qui varient selon que l’on se base sur :

  • Le nombre d’actes (ne sont recensés que les actes ayant fait l’objet d’un dépôt de plainte, sans inclure les délits routiers)
  • Le nombre de personnes mises en cause (pour rappel, toutes les personnes mises en cause ne seront pas reconnues coupables par la justice)
  • Le nombre de condamnations par la justice
  • Le nombre de personnes en détention (qui ne concernent qu’une partie des faits de délinquance)
  • Les enquêtes de victimation (qui intègrent les faits n’ayant pas fait l’objet d’une plainte, mais qui ne porte que sur un échantillon de la population)

Sur ces 5 sources de données disponibles, seulement 3 proposent en données publiques les précisions sur la nationalité : celle sur les personnes mises en cause, celle sur les condamnations et celle sur les personnes en détention. 

LES PERSONNES MISES EN CAUSE

Chaque année, le service statistique du ministère de l’intérieur met à disposition un bilan statistique intitulé « Insécurité et délinquance » (6).

Celui-ci porte est présenté comme un « indicateur de la délinquance », mais présente plusieurs biais. Les statistiques relatives aux nationalités ne portent pas sur les personnes reconnues coupables, mais sur les personnes « mise en cause ». Comme l’indique lui-même le bilan : cela concerne les « personnes ayant été entendue par la police ou la gendarmerie et à l’encontre de laquelle sont réunis dans la procédure transmise au parquet des éléments graves attestant qu’elle a commis ou tenté de commettre un ou plusieurs délits ou crimes. Toutes les personnes mises en cause ne seront pas reconnues coupables par la justice. »

Autre biais : les informations ne sont pas exhaustives. Pour résumer, les statistiques de la délinquance sont, à la base, classées selon 104 catégories hétérogènes. Dans le bilan public, les résultats sont regroupés en 12 fiches thématiques regroupant les catégories proches.

Cette simplification est compréhensible, pour améliorer la lisibilité des résultats, mais au passage plus d’un quart des catégories ne sont pas traitées, ce qui fausse potentiellement le bilan global.

Parmi les types d’actes de délinquance qui sont occultés, il y a par exemple les menaces et chantages, les atteintes à la dignité et à la personnalité, les cambriolages de locaux industriels, commerciaux ou financiers, les vols contre des établissements publics, les violences, mauvais traitements et abandons d’enfants, les délits au sujet de la garde des mineurs, les ports ou détention d’armes prohibés, les abus de biens sociaux, la fraude fiscale et autres délits économiques et financiers, etc.

Toutes ces catégories de délits ne sont pas comptabilisées, alors qu’ils représentent, pour 2022, plus de 685 000 délits, soit 26% de l’ensemble (voir la liste).

L’évaluation de la part de la délinquance attribué aux étrangers est donc en partie faussée. Rien ne permet d’affirmer dans quel sens cela ferait pencher la balance, même s’il semble objectivement peu probable que les étrangers soient sur-représentés dans tous ce qui concerne les abus de biens sociaux, fraude fiscale et autres délits financiers. Il est à minima légitime de s’interroger sur la pertinence du tri qui a été fait.

J’ai interrogé à ce sujet le service statistique du ministère de l’intérieur, qui n’a à ce jour pas encore répondu.

Les étrangers représentent 20,3% des personnes mises en cause, alors qu’ils représentent 7,7% de la population globale. Rappelons quand même que ce chiffre est incomplet et potentiellement faussé, du fait que le ministère de l’Intérieur ne comptabilise pas tous les types de délits et qu’il ne porte pas sur les condamnations par la justice.

Cette surreprésentation est largement inférieure, et de beaucoup, à ce qui est affirmé par certaines personnalités politiques dans les médias, comme Guillaume Peltier (vice-président du parti Reconquête d’Eric Zemmour), qui affirmait sur Public Sénat que « 67% des mis en cause, pour les vols, en France, sont des étrangers ».

LES CHIFFRES DES CONDAMNATIONS

Les « chiffres clés de la justice », diffusés annuellement, montrent que globalement sur les 2 millions d’auteurs dans les affaires traitées, seulement 60% d’entre eux seront poursuivis et feront l’objet d’une condamnation. Par ailleurs, la surreprésentation des étrangers baisse pour arriver à 15,3%. Cette baisse pose question et interroge sur une potentielle partialité des forces de l’ordre qui mettraientt plus souvent en cause les étrangers que les autres.

Les opposants à l’accueil pourraient être tenté d’en tirer comme conclusion que la justice serait laxiste envers les étrangers, mais cette hypothèse est contredite par les statistiques des personnes en détention. En effet, celles-ci montrent qu’en termes de peines prononcées par les tribunaux, les étrangers sont placés en détention dans 55% des cas, contre 43% pour les non-étrangers.

Les peines de substitution sont prononcées dans 13,7% des cas pour les nationaux, contre seulement 6,34% des étrangers.

Les dispenses de peine sont prononcées pour 0,42% des étrangers contre 0,65% des nationaux.

Ceci explique que la surreprésentation des étrangers remonte en termes de population carcérale, comme le montre le tableau ci-dessous.

LES CHIFFRES DE LA POPULATION CARCÉRALE

Les statistiques de la population carcérale montrent que la surreprésentation des étrangers remontent à 2,8% mais n’est pas non plus un indicateur infaillible et intégralement représentatif des condamnés. Comme l’ont montré plusieurs études, elle surreprésente les étrangers, les jeunes, les chômeurs. « Les recherches montrent que, à infractions égales, les étrangers sont plus lourdement sanctionnés que les nationaux, notamment plus souvent placés en détention provisoire puis plus souvent condamnés à des peines de prison, avec moins de sursis et des peines plus longues. Il ne s’agit pas là d’une discrimination volontaire mais plutôt d’une sorte de cercle vicieux qui repose sur des situations de précarité à la fois juridique et sociale : les étrangers poursuivis pour des infractions commises sur le territoire français présentent moins souvent que les nationaux des « garanties de représentation » au procès (domicile, situation familiale, emploi). Dans de nombreuses situations, les magistrats du parquet ont donc plus fréquemment recours à la procédure de comparution immédiate au terme de laquelle les étrangers sont plus souvent placés en détention provisoire. Ceci a été démontré à de nombreuses reprises (voir notamment : Jobard, Névanen, 2007 ; Mucchielli, Raquet, 2014). Pour toutes ces raisons, les étrangers et leurs descendants sont donc particulièrement visibles dans le système pénal, beaucoup plus que ce que justifierait leur poids véritable dans les délinquances. » Laurent Mucchielli – Immigration, délinquance et terrorisme: erreurs et dangers d’une assignation identitaire persistante.

Partant de ce constat, il est nécessaire d’en analyser les mécanismes et la pertinence des conclusions qui en sont faites.

Le biais du principe de la surreprésentation comme justification d’une politique de discrimination

Ces chiffres sont utilisés, et même parfois amplifiés de manière mensongère, pour justifier un durcissement de la politique d’immigration et même justifier une plus grande sévérité dans les mesures d’expulsion des étrangers. Le raisonnement invoqué est le suivant : les étrangers sont plus délinquants que les autres, il faut donc qu’il y ait moins d’étrangers en France.

Le biais principal de ce raisonnement est d’occulter que les mécanismes qui amènent à la délinquance sont multifactoriels. Une vision binaire et partielle des statistiques de la délinquance ne permet pas d’avoir une vision objective du phénomène.

 

Faisons un parallèle : avant les élections législatives de 2017, un groupement de journalistes a recensé les condamnations en justice des députés de la 14e législature. 63 condamnations auraient été prononcées parmi les 577 députés, ce qui représente un taux de condamnation de 10,9%.

Sur les 5 années de cette législature, il y a eu 2 860 000 condamnations de justice dans la population française, soit 4,2%.

Si on appliquait le même traitement aux députés qu’aux étrangers, il serait donc possible d’affirmer que les députés d’alors étaient 2 fois plus délinquants que la population (comprenant français et étrangers).

Ce serait factuellement exact… mais objectivement malhonnête et réducteur de le présenter ainsi.

De fait, les élus en général ont potentiellement plus de chances d’être condamnés, par leurs fonctions qui les placent plus souvent que les autres en situation de délits comme la prise illégale d’intérêts, abus de bien social, etc. et leurs activités sont également plus contrôlées. Bref, cette apparente sur-délinquance s’explique par des éléments de contexte extérieurs qui, s’ils ne sont pas pris en compte, ne permettent pas d’être objectif.

Les éléments déclencheurs de la délinquance sont multiples et s’entrecroisent. Au début des années 2000, la Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques (DREES) a publié plusieurs études relatives à la santé mentale des personnes avant leur entrées en prison (7).  Malheureusement, depuis une vingtaine d’années les données sur la situation sanitaire et sociale des personnes avant incarcération sont rares, ce qui interroge sur la réalité de la volonté politique en termes de prévention de la délinquance.

Seule exception, en 2014 le ministère de la justice a publié des données dans le cadre de la prévention de la récidive (8). Plus récemment, en 2021, Emmaüs et le Secours Catholique ont publié un rapport intitulé « Au dernier barreau de l’échelle sociale : la prison » (9). Ces différentes études permettent de vérifier que plusieurs critères de surreprésentation dans la délinquance sont également surreprésentés dans la population étrangère.

La précarité

60% des personnes en détention étaient, avant leur incarcération, en dessous du seuil de pauvreté (fixé par convention à 60 % du niveau de vie médian de la population), alors que la population globale est à 14,6%. Les immigrés sont eux à 31,5%, ce taux monte à 37% en ce qui concerne les immigrés originaires d’un pays hors UE.

Le niveau scolaire

Il y a 2,7 fois plus de personnes sans aucun diplôme dans la population carcérale que dans la population globale, et 3,4 fois plus qui n’ont pas diplôme plus haut que le CAP. Là encore, cette surreprésentation se retrouve dans la population étrangère.

L’emploi

Les personnes en inactivité professionnelle sont 1,7 fois plus présentes dans la population carcérale, et 1,3 fois chez les immigrés originaires de pays hors UE.

Le mal-logement

Le graphique ci-dessous montre qu’il y a 14 fois plus de SDF dans les personnes avant incarcération que dans la population générale, donc une très grande surreprésentation… et également 6,4 fois plus de SDF dans la population étrangère que dans la population globale. D’après la Fondation Abbé Pierre, 56% des SDF sont d’origine étrangère.

Dans le livre « Vers la guerre des identités ? », chapitre « Immigration, délinquance et terrorisme : erreurs et dangers d’une assignation identitaire persistante« , Laurent Mucchielli écrit en conclusion : « Expliquer le comportement particulier de quelques-uns par une caractéristique générale de toute une population constitue donc un raisonnement vicié à la base. Les carrières délinquantes que l’on peut observer procèdent en réalité d’un cumul de fragilités, de ruptures et d’exclusions sociales qui n’ont rien de nouvelles historiquement, mais qui sont aujourd’hui concentrées dans les territoires les plus pauvres où habitent encore souvent les étrangers et leurs descendants. Et ces fragilités, ruptures et exclusions sociales procèdent le plus souvent des carences de la société d’accueil, et non de la volonté de ceux qui en sont victimes. Derrière la querelle des identités se cache donc en réalité des fractures sociales dont les conséquences parfois dramatiques ne font qu’en révéler l’ampleur sociale autant que l’impensé politique.« 

CONCLUSION

Toutes ces données mettent en lumière plusieurs éléments :

Les accusations de sur-délinquance étrangère sont apparues dès la fin du 19e siècle, n’ont jamais cessées et les vagues de xénophobie s’accentuent en période de crise économique (10).

Les statistiques liées à la délinquance et à la nationalité sont tronquées et donc imparfaites.

Les causes de la délinquance sont multifactorielles, les étrangers sont surreprésentés dans plusieurs de ces facteurs (précarité, catégories socio-économiques, scolarité…) et sont donc mécaniquement surreprésentés dans les faits de délinquance. Une politique qui va augmenter la précarisation et la discrimination des étrangers ne fera qu’accentuer le risque de surreprésentation.

Une réelle politique de prévention de la délinquance devrait passer par une prise en compte de tous les facteurs socio-économiques liés à la délinquance.

Les discours politiques, sur cette question, sont souvent binaires, parfois mensongers, le plus souvent électoralement opportuniste. Les étrangers deviennent les « ennemis commodes » (11).

La seule méthode qui permettrait de juger de manière objective la surdélinquance étrangère serait de mener une étude portant sur le taux de délinquance à situation socio-économique et sanitaire égale.

La seule étude trouvée prenant en compte ces paramètres date du début des années 70, dont l’analyse a été publié dans l’ouvrage « Les jeunes immigrés : eux et nous ».

La juriste Marie-Clet Desdevises y écrit : « Cette observation a guidé une recherche monographique portant sur les décisions des juridictions nantaises concernant des immigrés majeurs au cours des années 1970-1972. L’analyse de ces résultats a été effectuée au moyen d’une étude statistique approfondie réalisée au Centre de Formation et de Recherche de Vaucresson. L’enquête aboutit à une observation essentielle : la catégorie des étrangers ne semble pas constituer une catégorie spécifique du point de vue criminologique. La délinquance des étrangers ne présente pas une étiologie très différente de celle de la population délinquante autochtone : les mêmes facteurs sociaux primaires, comme l’âge ou la situation économique, permettent d’analyser la délinquance de ce groupe ; tandis que des facteurs spécifiques à la population étrangère, comme sa culture d’origine, ne déterminent pas les caractéristiques de sa délinquance. La délinquance des étrangers n’apparaît donc pas très distincte de celle d’une population autochtone de même âge et de même statut social. En ce sens, mettre à part la délinquance des étrangers de celle de la population autochtone pour l’analyser reviendrait à constituer une catégorie artificielle du point de vue criminologique. » (12)

Les 50 ans qui nous séparent ne permettent pas d’en tirer des conclusions objectivement valables aujourd’hui. Une étude similaire, sur des données actuelles, serait nécessaire.

Pour autant, en l’absence de ces données et au vu des éléments ci-dessus, affirmer que les personnes étrangères sont potentiellement plus délinquantes que les personnes de nationalité française est un discours purement idéologique.

  1. Bérard, A. (1886). L’invasion des étrangers et la taxe de séjour : rapport présenté à la Société d’Economie politique de Lyon le 5 mars 1886. https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03156819/document
  2. L’opinion française et les étrangers, 1919-1939 – Ralph Schor – http://www.editionsdelasorbonne.fr/fr/livre/?GCOI=28405100542210
  3. Les immigrés : le choc / Alain Griotteray – https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4800788g.texteImage
  4. Laurent Mucchielli. Sociologie de la délinquance – Armand Colin, 2018.
    https://www.cairn.info/sociologie-de-la-delinquance–9782200621155.htm
  5. https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/11/02/darmanin-et-dussopt-sur-le-projet-de-loi-immigration-nous-proposons-de-creer-un-titre-de-sejour-metiers-en-tension_6148145_3224.html
  6. https://mobile.interieur.gouv.fr/Interstats/Actualites/Insecurite-et-delinquance-en-2021-bilan-statistique
  7. La santé mentale et le suivi psychiatrique des détenus (2002)
    http://www.antoniocasella.eu/archipsy/Coldefy_2002.pdf
    La santé des personnes entrées en prison (2003)
    https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2020-10/er386.pdf
    La santé à l’entrée en prison : un cumul des facteurs de risque (1999)
    https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2020-10/er004.pdf
    La prise en charge de la santé mentale des détenus en 2003
    https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2020-10/er427.pdf
  8. http://www.justice.gouv.fr//include_htm/reforme_penale_chiffres_cles_plaquette.pdf
  9. https://www.federationsolidarite.org/wp-content/uploads/2021/10/2021-rapport-prison-secours-catholique-emmaus_20211014.pdf
  10. « Le creuset français. Histoire de l’immigration, XIXe-XXe siècle. » – Chapitre 5 – Gérard Noiriel
  11. Wacquant Loïc J. D. Des « ennemis commodes ». In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 129, septembre 1999. Délits d’immigration. pp. 63-67; https://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1999_num_129_1_3305
  12. « Les jeunes immigrés : eux et nous » – Cl. Basdevant, Centre De Formation Et De Recherche De L’education Surveillee De Vaucresson, L. Cirba