
Par : David Torondel – mai 2025
En plein Paris, en 2025, un rassemblement de l’ultradroite néonazie s’est tenu en toute impunité. Décryptage des symboles affichés lors de ce qui s’apparente à un défilé militaire en hommage à un « soldat SS ».
Aux origines d’un rassemblement controversé
En 1994, le militant nationaliste Sébastien Deyzieu trouve la mort en tombant d’un immeuble, alors qu’il tente d’échapper à la police lors d’une manifestation interdite à Paris.
Sébastien Deyzieu était membre de « l’Œuvre française« , mouvement néofasciste, pétainiste, antisémite et négationniste. Suite à son décès est constitué le « Comité du 9 mai » (C9M), initialement fondé par le GUD et le Front National de la Jeunesse.
Quelques jours après sa mort, ses camarades organisent une manifestation également interdite, puis tentent d’envahir l’appartement de Charles Pasqua, alors ministre de l’Intérieur, avant d’occuper les locaux de Fun Radio avec des armes de poing. Sept militants sont jugés suite à ces actions, avec Marine Le Pen parmi leurs avocats en appel. Elle qualifiera ses clients de « jeunes citoyens qui veulent intervenir dans l’avenir de la nation ».
Une démonstration de force en 2025
Ce samedi 10 mai 2025 à Paris, la commémoration annuelle a une nouvelle fois pris la forme d’une marche militaire en rangs par quatre, avec en tête des porteurs de drapeaux ornés de croix celtiques, symbole approprié depuis des décennies par les mouvements néonazis et nationalistes blancs. Ordre nouveau (à l’origine du Front National), le GUD et bien d’autres organisations d’extrême droite l’ont utilisé comme identifiant.

Une visibilité assumée et des symboles nazis sans détour
Cette année marque un tournant significatif et inquiétant. Les années précédentes, la manifestation était entourée de nombreuses personnes tentant d’empêcher les prises de vue à l’aide de parapluies noirs. En 2025, cette précaution a disparu, comme si l’exposition de ces idées au grand jour n’était plus problématique. Des porte-paroles étaient même disponibles pour répondre aux journalistes, signe que les idées néonazies s’affichent désormais sans complexe.

Les références directes au nazisme se sont multipliées :
En tête de cortège, des tambours arboraient des flammes rouges sur fond blanc, identiques au modèle utilisé par les jeunesses hitlériennes.

Derrière la banderole portant le nom de Sébastien Deyzieu figuraient deux drapeaux : l’un avec la « rune de la vie », l’autre avec la « rune de la mort »
Ces deux runes, utilisées pendant la Seconde Guerre mondiale sur les pierres tombales des soldats SS pour marquer leurs dates de naissance et de décès, encadraient symboliquement le nom de Deyzieu, l’assimilant explicitement à un soldat de l’armée nazie.

Des rituels évocateurs filmés clandestinement
Le journal Libération a révélé une vidéo clandestine montrant des participants effectuant un salut nazi devant les gerbes de fleurs déposées sur le lieu du décès. Cette séquence suit l’interprétation du chant « Les Lansquenets« , dont le dernier couplet ne laisse aucune ambiguïté : « Nous luttons pour notre idéal, Pour un ordre nouveau et impérial, Et à notre heure dernière, nous quitterons la terre Au rythme des hauts tambours des Lansquenets Demain nous irons au combat…«
Une autorisation judiciaire incompréhensible
Malgré tous ces éléments démontrant clairement la volonté d’organiser un défilé militaire néonazi, cette manifestation est autorisée chaque année par la justice.
Bien que régulièrement interdite par la Préfecture de Paris, l’interdiction est systématiquement annulée par le Tribunal Administratif suite aux recours déposés par le comité organisateur. Ces décisions s’appuient paradoxalement sur le « laxisme » antérieur de la Préfecture, qui n’a pas poursuivi les manifestants masqués les années précédentes.
Concernant le risque de propos haineux, le tribunal se contente d’affirmer que « les seuls slogans autorisés sont « Europe jeunesse révolution » et « Sébastien présent », propos déjà tenus en 2024 et qui ne relèvent pas d’une incitation à la haine ou à la discrimination. » Cette analyse se limite aux expressions orales sans tenir compte des symboles visuels explicites, comme les croix celtiques présentes depuis des années.
Jusqu’où ira la tolérance ?
Jusqu’où ira cette tolérance inquiétante ? Verrons-nous dans les prochaines années des défilés paramilitaires arborant des croix gammées, « tolérés » sous prétexte que ces parades seraient silencieuses ? N’est-on pas en train d’assister à une démarche d’élargissement de la fenêtre d’Overton des idées fascistes ?
En 1994, un jeune homme est mort. Quelles que soient ses idées et les circonstances, cela reste un drame. Mais ce décès ne doit pas servir de caution annuelle à un défilé paramilitaire faisant l’apologie du nazisme.


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