Dernière mise à jour : 7 novembre 2022

ÉTAT DES LIEUX

Actuellement, quand un étranger voit sa demande d’asile refusée en première instance par l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA), il a la possibilité de faire appel de cette décision et demander qu’elle soit examinée en deuxième instance par la Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA)(1). Ce n’est qu’au terme de ce deuxième examen que le rejet de sa demande d’asile est considéré comme définitif et donc qu’il peut se voir délivrer une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF).
Ce principe a connu une première remise en cause avec la Loi Collomb (2018) qui stipule que, dès le rejet Ofpra, les personnes étrangères originaires d’un pays considéré comme « sûr » perdent le droit au séjour sur le territoire et peuvent se voir délivrer une OQTF.

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PROJET DE RÉFORME

Il est notamment prévu à ce jour que toutes les personnes, quelle que soit leur origine, soient frappées d’une OQTF dès la décision de justice en première instance.

Telle qu’est formulée la proposition à ce stade, l’OQTF serait donc prononcée dès le premier refus, mais ne deviendrait effective applicable qu’après la décision définitive de la CNDA.

 

ANALYSE ET COMMENTAIRE

Telle qu’est formulée la proposition à ce stade, l’OQTF serait donc prononcée dès le premier refus, mais ne deviendrait effective applicable qu’après la décision définitive de la CNDA. Pour autant, cela risque d’induire que, dès le premier refus, les personnes perdent le bénéfice des aides auxquelles elles ont droit : allocation de demande d’asile et éventuellement logement.
On peut se demander également si cette mesure ne reviendrait pas sur les dispositions de la loi Collomb qui permettaient explicitement au demandeur d’asile de formuler une demande concomitante de titre de séjour sur un autre fondement. C’est en tout cas ce que laisse à penser M. Darmanin, quand il dit : « Dans le cadre du projet de loi sur l’immigration, nous avons proposé au Conseil d’État, qui l’a accepté, que le refus d’une demande d’asile s’accompagne d’une OQTF, ou à tout le moins d’un refus de titre de séjour. » (2)
L’objectif est clairement et officiellement de limiter l’accès à une protection en France. Les arguments avancés par le Président de la République et le ministre de l’Intérieur sont que la procédure de demande d’asile serait détournée de son objectif initial.
Lors du discours aux Préfets de la rentrée 2022, M. Macron a déclaré : « Il faut préserver les droits fondamentaux de toute personne, et il faut pouvoir aller beaucoup plus vite avant toute chose pour lutter contre toutes les pratiques dilatoires parce que le phénomène que nous avons aujourd’hui, c’est que des femmes et des hommes utilisent la procédure d’asile dans laquelle quasiment tout le monde passe, mais du coup, font attendre des femmes et des hommes qui le méritent et sont vraiment des combattantes et des combattants de la liberté, des femmes et des hommes qui fuient la misère. » (3)

Attention ! Rappelons que, en France aujourd’hui, la précarité dans le pays d’origine ne permet aucunement d’obtenir une protection, ni même d’ailleurs un titre de séjour.
Il faut le rappeler et ne pas laisser insinuer autre chose : s’il peut y avoir quelques « dévoiements » de la procédure d’asile, la responsabilité en incombe là encore à nos politiques d’immigration injustement fermées. Les femmes et les hommes qui fuient la misère dans leur pays n’ont AUCUNE VOIE LÉGALE leur permettant d’obtenir un visa et encore moins un titre de séjour dans notre pays. C’est bien pour ces raisons que certains se rabattent, en désespoir de cause, sur la procédure d’asile.

 

12 000 premières décisions négatives… infirmées

Avant tout, rappelons que quand une personne n’obtient pas l’asile, cela ne veut pas forcément dire qu’elle n’entre pas dans les critères définis par la convention de Genève, mais parfois qu’elle n’a juste pas pu en apporter les preuves.
En effet, sur ces cinq dernières années, plus de 12 000 personnes déboutées à l’OFPRA obtiennent une protection à la suite de leur passage devant la CNDA. Ce qui veut dire que plus de 12 000 personnes chaque année ont pu prouver qu’elles risquaient leur vie en cas de retour dans leur pays d’origine(4). C’est à elles, avant même leur passage à la CNDA, que le gouvernement souhaite délivrer une OQTF, les privant potentiellement des conditions matérielles d’accueil, les laissant sans ressources et sans logement. M. Macron a pourtant bien déclaré que ces mesures devaient respecter les droits fondamentaux des personnes. Ça n’est pas le cas.